Tous les jours il faut traverser une rue ou une autre. Il faut se rendre à plusieurs évidences: primo, le piéton n’a jamais la priorité sur un véhicule à deux ou à quatre roues. Il s’engage donc dans la traversée d’une chaussée à ses risques et périls. Secundo, il n’y a pas de code de la route. (En fait le primo est simplement un cas particulier du secundo). Les passages piétons ne sont jamais respectés par les véhicules en mouvement.
Quant aux feux, parlons-en. La situation est meilleure à Alexandrie et Port-Saïd, où les feux tricolores sont globalement respectés. Mais au Caire, rares sont les automobilistes à les respecter s’il n’y a pas un policier doté d’un sifflet, d’un petit carnet et surtout, arme absolue, d’un stylo. Il lui suffit en effet de noter le numéro d’immatriculation du contrevenant (qui ne respecte pas son ordre de s’arrêter, qui n’a pas sa ceinture, etc.) pour que celui-ci, quand il doit faire renouveler annuellement sa carte grise, doive alors payer l’amende. En général, le montant des amendes est astronomique et un juge le réduit. Le caractère dissuasif de l’amende semble sérieusement diminué par le délai souvent long avant que le conducteur doive payer ses contraventions. D’autant qu’il n’est pas rare de voir s’arrêter une voiture verbalisée et son chauffeur parlementer avec le policier et en appeler à sa clémence en lui glissant un billet de 5 livres.
Revenons à la traversée de la rue. Sur les grands boulevards, pour ne pas rester coincé une heure sur un trottoir et finir par prendre un taxi pour aller de l’autre côté, il faut devenir maître dans l’évaluation de la distance entre les voitures et de leurs vitesses respectives pour se faufiler au milieu même du traffic quand l’occasion se présente. Il n’est pas besoin de dire que les accidents sont nombreux.
Il va sans dire que dans ces conditions un croisement sans policier est un lieu dangereux pour les voitures comme pour les piétons, chacun jouant des épaules ou du klaxon et essayant d’intimider les autres. Mais même sur ceux qui sont régulés par un policier (uniforme blanc l’été, noir l’hiver), la mode étant de laisser passer une longue coulée de voitures successivement dans chaque sens, les piétons, qui ne sont pas habitués à attendre sur le trottoir que leur tour vienne, s’engagent au milieu du flot, ralentissant ainsi le flux des voitures et augmentant d’autant le temps d’attente virtuel sur le trottoir, l’impatience poussant ceux qui voudraient respecter le tour à traverser eux-mêmes. Le tout, dans une sorte de bousculade permanente sur les trottoirs, une partie des gens, ceux qui veulent marcher plus vite que les lécheurs de vitrines, marchant sur la chaussée. Sans compter ceux qui sont garés en double ou en triple file, juste une minute…
Voici venu le temps heureux du Ramadan, pour marcher à son rythme sur les trottoirs et traverser sans encombre les rues, à l’heure où les croyants rompent le jeûne. Gare cependant au chauffard en retard, l’estomac dans les talons et le pied au plancher, qui se dépèche de rentrer chez lui…